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8 avril 2008 2 08 /04 /avril /2008 08:53


Andenne, Mercredi le 25 février 1942.

 

10 heures du soir



Chère Marie-Madeleine,

Tu ouvres cette lettre. Tu te dis : « Tiens, Elisabeth vit encore ! » Oui, je vis encore et je viens humblement m'excuser de te répondre si tard. Tu me pardonneras, j'espère. Je travaille beaucoup, je dispose de peu de temps pour t'écrire. Il est heureux, ce soir à dix heures, je puisse pousser un « ouf », prendre ma plume et t'implorer mon pardon par cet élan.

Dans ta dernière missile, l'impression que tu t'es follement amusée pendant les vacances de Noël à Cornesse, se dégage. Avoue, de temps en temps, chasser les idées noires demande beaucoup d'imagination et de résistance.  Elles nous narguent et tentent de nous assaillir. Tu te poses la question : quelles sont mes occupations pendant ces mêmes vacances ? Pas grand chose, quand le temps le permettait, je glissais en traîneau sur les prés de la colline. Ou encore je me battais presque tous les jours à coups de boulets de neige. Tu sais ici, c'est inévitable ! A Cornesse aussi ? Je suis allée aussi passer quelques jours chez Titi soeur à Huy. C'est vraiment désagréable de voyager. Les trains sont en «rac» et l'autorail Namur-Huy est presque toujours une heure en retard. Faire le pied de grue en pleine rue devient une habitude et une nécessité. Les maisons n'existent plus, il n'est plus possible de s'y mettre à l'abri. Charmant, charmant vraiment. Ah! Vivement la paix et les bons petits voyages réguliers dans des voitures chauffées. A propos du feu, possédez vous encore du charbon en classe ? Oui sans doute, ici nous en avons suffisamment jusqu'au vacances de Pâques et même après. La perspective d'un petit congé supplémentaire ne se pointe pas à l'horizon. Devoir aller en classe pendant que  les autres sont en vacances, nous nous consolerons en été. Nous reprendrons les jours perdus. Enfin, nos occupations seront-elles comblées ? Le fatalisme s'impose. L'espérance renaît tous les jours, toutes les heures et même toutes les minutes. Voilà, maintenant,  je radote sur nos malheurs. Quand penses tu venir, nous dire un petit bonjour ? Fais tu encore la file pour obtenir des harengs ? Et  ta santé et celle de ton entourage est elle toujours bonne ?. Ici, la vie coule tout doux, tout doucement. Comme dans la chanson, cela ne va pas mieux, ni beaucoup plus mal. Pourtant l'hiver, engendre beaucoup de malheureux et beaucoup de personnes sont sans feu. Curieux, le charbon disparaît, chaufferait il à l'extrême et fonderait il les neiges ?  Le printemps se hâterait il à nos portes et avec lui, la fameuse offensive salvatrice ?. Encore trente-huit jours d'étude et les vacances se pointent à l'horizon. Chère Mimi, la volonté de te rendre visite me tenaille pour le début de ce mois, mais le temps s'oppose vraiment à tout voyage. Cette escapade est prévue avec Nelly et Alfred pendant les vacances de Pâques. Quelles sont les nouvelles à Liège ? Tu t'amuses en classe ? Cette semaine, je correspond avec une flamand de Tongres. Si il échange ses écrits comme moi, il ne m'écrira que tous les deux ou trois mois. Ce monsieur sera-t-il plus régulier ? Je reçois les adresses de mes correspondants et de mes compagnes par l'entremise de l'école. Et toi, Mimi, tu en as aussi ? Ma petite Mimi, à l'horloge sonne 10 heures et demi, l'heure des enfants qui se couchent tard...

Je t'embrasse et j'espère que tu pardonnes dès la réception de cet épître.

Mes sincères amitiés à tes chers parents et à tes frères. A bientôt sans doute.

Elisabeth

P.S. Un tas de photographies sera glissé dans la prochaine lettre.




 


Liège, dimanche le 15 mars 1942.

 





Chère Elisabeth,

Pardonne moi pour ce retard ma chère et tendre Elisabeth, Liège retire son manteau d'hiver et gronde. Je comprends que tes visites s'étirent dans le temps. Les chemins scabreux induisent beaucoup de prudence. Le printemps s'impose un peu plus à la fois en ville et à la campagne. Si ton projet de venir à Liège se serait réalisé, tu aurais revu Minon et toute sa famille. Je vais de recevoir sa missile, elle me raconte que sur le chemin du retour, ils ont assisté à un horrible spectacle : une femme dans la Meuse se noyait au Pont Neuf près de Wandre. Elle est restée au moins cinq minutes la tête sous l'eau. Elle est revenue par deux reprises à la surface de l'air. Puis elle a coulée, ne montrant plus que ses deux bras et s'agitait dans tous les sens. Heureusement, un jeune homme de dix sept ans l'a sauvée et c'est Marcelle, la maman de Minon, qui lui a fait la respiration artificielle et a demandé de la transporter à l'Université. Cette pauvre femme est revenue de son évanouissement après un quart d'heure. La noyée regardait sa salvatrice avec des yeux vitreux et ses membres tout raides.

Un peu de distraction dans ce monde cruel, notre curé de la paroisse nous convie à une représentation bien utile en ces temps si difficile : une troupe de théâtre, ils joueront Molière « L'avare » dans la salle paroissiale.  

Pendant les vacances de carnaval, nous avons passé notre temps entre les files de ravitaillement pour espérer trouver quelques harengs, ou des pommes de terre ou encore plus rarement de la viande. Le vendredi, nous partions tous ensemble rejoindre ma grand mère à Cornesse. Irène, ma cousine, s'est cassé le bras en heurtant un caillou sur le chemin de campagne, tout de près de la maison de ma grand-mère. Elle roulait en vélo, je ne connais pas les circonstances de sa chute. Elle hurlait de douleur, un voisin l'a conduite à l'hôpital et nous, nous sommes rentrés plus tôt ce samedi soir à Liège.

Passons à un autre sujet, comment vas tu Elisabeth, bien j 'espère. Mes jambes sont toujours aussi molles. Je t'écris tu toujours tes lettres appuyée sur le dos de la chaise. Pitié, Seigneur, Pitié, je suis entrain d'étudier de l'Electre car c'est grec demain. J'en deviens folle en avance. Enfin, enfin, voilà, qu'ai-je encore à te dire ? Je cherche et je ne trouve point. Il est trois heures treize un rayon de soleil se pointe à ma gauche, je n'ai plus qu'à voir les notes d'Electre plus encore Aristophane et Démost. J'aurai bien fini pour neuf  heures. Quand tu recevras ma lettre, il est fort probable que j'aurai déjà fini l'examen. Je te quitte car le devoir m'appelle loin de toute pensée autre que mon sale foutu grec. Au revoir.

Présente mes respects à tes parents, reçois tous mes meilleurs baisers et toutes mes bonnes amitiés à Nelly et Alfred. Au revoir, et j'espère que je trouverai le courage et la force de te rendre visite.

Mes amitiés

Marie-Madeleine


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